Inégalités de remboursement pour les personnes qui doivent recevoir une alimentation artificielle
Dans notre pays, 33 % des patients hospitalisés, 16 % des résidents de maisons de repos et près de 13 % des personnes âgées vivant à domicile souffrent de dénutrition. Un problème qui passe souvent longtemps inaperçu. Sa prévention et son traitement doivent se faire par étapes, en commençant par un dépistage (du risque) de dénutrition, puis des conseils diététiques, l’administration d’aliments adaptés ou enrichis, et enfin, dans certains cas, l'administration d'aliments via une sonde ou directement dans la circulation sanguine. En Belgique, les règles de remboursement pour ces formes d’alimentation sont complexes et à l’origine d’inégalités en termes de coûts, tant pour l’Inami que pour le patient. Ainsi, à l'hôpital, l’alimentation par sonde (alimentation entérale) est incluse dans le prix de la journée d'hospitalisation et ne coûte rien au patient, tandis que, à domicile, elle lui coûte entre 11 et 28 € par jour. À l'inverse, l’alimentation parentérale (par baxter, directement dans le sang) coûte environ 11 € par jour au patient à l’hôpital, mais est quasi gratuite à domicile. Le Centre fédéral d’Expertise des soins de santé (KCE) préconise la suppression de ces inégalités.
Dénutrition : surtout dans les hôpitaux, les maisons de repos et chez les personnes âgées à domicile
Alors que l’épidémie d’obésité se répand dans le monde entier, certaines personnes sont confrontées à un tout autre problème, qui passe souvent longtemps inaperçu : la dénutrition. Dans notre pays, on estime que 33 % des patients hospitalisés, 16 % des résidents des maisons de repos et près de 13 % des personnes âgées vivant à domicile présentent de la dénutrition. Il s'agit souvent de personnes qui ne sont plus en mesure de prendre soin d'elles-mêmes (p. ex. certaines personnes très âgées) ou qui ont subi des interventions chirurgicales lourdes, de la chimiothérapie ou de la radiothérapie, ou encore de personnes atteintes de maladies touchant le système digestif, comme la mucoviscidose ou la SLA (sclérose latérale amyotrophique).
Prévention et traitement, étape par étape
La prévention et le traitement de la malnutrition doivent se faire de manière progressive. Tout d'abord, il est important que les nouveaux patients / résidents subissent un dépistage du (risque de) dénutrition lors de leur admission ou d’un premier contact. Il faut également rester toujours attentif à des signaux tels que la perte de poids et la fatigue. Si nécessaire, des conseils et un soutien nutritionnels peuvent alors être donnés.
On peut alors commencer à enrichir le régime alimentaire, par exemple avec des matières grasses, de la crème, des poudres riches en protéines, et éventuellement ajouter des compléments alimentaires, tels que des aliments industriels liquides riches en protéines et en énergie.
Si le patient est incapable de manger normalement, il peut être nécessaire de passer à une alimentation artificielle, soit par sonde (nutrition entérale) ou, si cela est impossible, directement via la circulation sanguine (nutrition parentérale).
L'utilisation dans les hôpitaux est en baisse ou reste stable ; elle augmente à domicile et en milieu résidentiel
Dans les hôpitaux, le recours à la nutrition parentérale a diminué ces dernières années, passant de 2,4% à 1,35% des journées d’hospitalisation entre 2008 et 2016. L'alimentation par sonde est pour sa part restée stable, autour de 2%. On observe beaucoup de variations entre les hôpitaux.
En revanche, les deux formes de nutrition ont lentement augmenté à domicile ou en milieu résidentiel (maisons de repos, institutions pour personnes handicapées) au cours des neuf dernières années : 6 100 patients y ont reçu une alimentation par sonde en 2016 (contre 5000 en 2008) et 1300 par voie parentérale (contre 1 000 en 2008).
Le remboursement est complexe et conduit à des inégalités financières
Dans notre pays, les règles de remboursement diffèrent selon l'environnement de soins et le type de nutrition. Par exemple, à l’hôpital, l’alimentation par sonde coûte beaucoup moins cher au patient que l’alimentation parentérale. À domicile (ou en milieu résidentiel), c’est le contraire. Ainsi, un patient qui reçoit une alimentation par sonde à l'hôpital ne doit rien payer de sa poche, alors qu’à domicile, la même alimentation lui coûte entre 11 et 28 € par jour.
Inversement, un patient qui reçoit une alimentation parentérale à l'hôpital doit payer les vitamines et les oligo-éléments qui y sont ajoutés (près de 11 € / jour), alors que ces frais sont quasi entièrement couverts par l’assurance maladie à domicile (il lui reste 0,62 € à payer par jour).
Sur le plan administratif aussi, les formalités sont différentes : un patient qui reçoit une alimentation par sonde à domicile doit gérer l’ensemble des formalités administratives (prescriptions, mutuelle…) alors que s’il s’agit d’alimentation parentérale à domicile, l’hôpital assume cette tâche pour lui.
Supprimer ces inégalités
Le KCE recommande d’adapter le remboursement des produits d’alimentation artificielle afin que les coûts que doivent supporter les patients soient similaires quel que soit leur lieu de soins ou le type d’alimentation dont ils ont besoin. Un remboursement intégral représenterait, pour l’assurance maladie, une augmentation du budget de près de 14 millions d'euros pour l'alimentation par sonde à domicile et de plus de 2 millions d'euros pour l'alimentation parentérale à l'hôpital.
Pour éviter que cette meilleure couverture n’entraîne à son tour une augmentation du prix des produits d’alimentation artificielle, les maisons de repos, organisations de soins à domicile, mutualités ou associations de patients pourraient, par exemple, procéder à des achats groupés afin d’obtenir des prix réduits. Elles pourraient passer par des marchés publics et choisir les offres les plus avantageuses. Elles pourraient également gérer une partie des formalités administratives pour le patient.
Équipes nutritionnelles : évaluation globalement positive malgré le peu de preuves scientifiques
Le KCE a également examiné le rôle des équipes nutritionnelles actives dans presque tous les hôpitaux belges. Ces équipes multidisciplinaires fournissent des conseils sur l’usage de l’alimentation artificielle, dispensent des formations aux soignants et rédigent des recommandations sur les soins nutritionnels. Certaines équipes pratiquent également le dépistage de la dénutrition chez les patients.
Le KCE a étudié la littérature scientifique portant sur l’efficacité de ces équipes, notamment en termes de recours à l’alimentation artificielle ou d'impact sur l'état nutritionnel du patient. Bien que les preuves scientifiques ne soient pas de grande qualité, l’efficacité des équipes de nutrition bénéficie généralement d’une évaluation positive.
Le KCE recommande donc de maintenir et de renforcer (notamment financièrement) les équipes nutritionnelles dans les hôpitaux, mais il est d’avis que leur expertise devrait également être mise à profit en dehors des hôpitaux. Dans ce contexte, il conviendrait de réfléchir avec les décideurs politiques à l’organisation et au financement des soins nutritionnels dans le secteur ambulatoire.
Les résultats des équipes de nutrition devraient également faire l’objet d’un monitoring et d’un enregistrement des données, ainsi que d’échanges de connaissances entre équipes, afin que leur impact soit mieux démontré et encore amélioré.