03 déc 2020 08:00

Le remboursement des implants auditifs doit-il être élargi ?

Notre assurance maladie (INAMI) veille à ce que chaque personne atteinte de perte auditive puisse avoir accès au remboursement (parfois partiel) d’un appareil auditif. Mais la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les appareils de plus en plus sophistiqués qui apparaissent sur le marché présentent une réelle valeur ajoutée par rapport aux appareils de base déjà remboursés. L’INAMI a donc demandé au Centre Fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE) de mener une recherche sur l’efficacité de certains implants auditifs et sur l’éventuelle nécessité d’élargir leur remboursement. Son constat est que l’on ne dispose pas de suffisamment de preuves scientifiques solides pour soutenir un élargissement des critères de remboursement actuels.  

Dans notre pays, environ 455 000 personnes ont recours à des aides auditives pour des pertes d’audition qui sont de légères à très profondes. En 2018, le budget de l’INAMI pour les appareils et implants auditifs dépassait les 80 millions d’euros. C’est plus du double de ce qu’il était 10 ans auparavant. Ce sont les appareils auditifs classiques qui absorbent la plus grande part de ce budget (86,5%) mais les 13,5% restants, qui vont à des appareils (partiellement ou entièrement) implantables très sophistiqués, sont en augmentation constante au fil des ans. 

Les critères de remboursement passés au crible

Le remboursement par l'INAMI des différents types d'implants auditifs est soumis à un certain nombre de critères ; ceux-ci doivent pouvoir être régulièrement révisés car il s’agit de technologies qui évoluent très rapidement. L’INAMI a donc demandé au KCE de déterminer si certains appareils destinés à des pertes auditives très spécifiques (implants cochléaires, dispositifs à conduction osseuse) sont efficaces et coût-efficaces, et si leurs critères de remboursement devraient être revus. Les appareils auditifs classiques ne sont pas traités dans ce rapport.

Les chercheurs du KCE ont étudié la littérature internationale à ce sujet, ainsi que les chiffres belges et les modalités de remboursement dans les autres pays. Ils ont ensuite invité différentes parties prenantes à débattre avec eux (médecins ORL, audiciens, associations de patients, fabricants d’implants, etc.) 

Il faut davantage d’études fiables

Les études cliniques sur les implants auditifs comprennent souvent un trop petit nombre de patients et font appel à des méthodes statistiques trop faibles (p. ex. pas de groupe témoin), et par conséquent, on ne peut pas affirmer que leur efficacité est suffisamment démontrée. En outre, il s’agit d’une technologie qui évolue très rapidement, ce qui ne laisse pas assez de temps pour recueillir suffisamment de données. 

À plus long terme, il sera donc nécessaire de disposer de preuves scientifiques suffisantes, qui devraient provenir d'études fiables mais aussi d'un registre national des implants auditifs incluant les résultats obtenus chez les patients, les réimplantations et les effets indésirables ou les complications. Idéalement, ce registre devrait recueillir les mêmes données que les registres étrangers, de sorte que les données puissent être agrégées afin de pouvoir mener les analyses sur des populations de patients plus étendues. Ce n'est qu'alors que l’on disposera d’une base scientifique solide pour pouvoir décider d’élargir ou non les remboursements. 

Harmoniser les critères de remboursement

Même si l’on ne dispose pas de suffisamment de preuves scientifiques solides pour soutenir un élargissement des critères de remboursement actuels, certains de ces critères manquent de cohérence. Ainsi par exemple, le remboursement d’implants auditifs chez les enfants ne répond pas aux mêmes critères d’âge selon le type de perte auditive.  Les seuils à partir desquels le remboursement est accordé pourraient également être harmonisés. Il serait également envisageable de rembourser les implants cochléaires pour certaines affections spécifiques rares, comme les surdi-cécités progressives. En ce qui concerne les dispositifs à conduction osseuse, les critères de remboursement actuels favorisent les appareils « à ancrage osseux » par rapport aux appareils « sans ancrage osseux », alors que ceux-ci sont souvent utilisés chez les jeunes enfants à l’âge critique où ils développent le langage parlé (et où il est donc très important pour eux de bien entendre). L'INAMI s’est déjà attelé à la révision de ces critères, afin de rendre le remboursement de ces différents appareils plus équitable.

Informer correctement les patients

Enfin, le KCE insiste pour que chaque patient (et/ou ses parents) reçoive des informations correctes et indépendantes, de préférence au moment du diagnostic de la perte auditive. Il doit être informé des différentes possibilités de traitement, de ce que l’on sait (et ce que l’on ne sait pas ) de leur efficacité, de ce qu’il peut attendre à long terme, de la nécessité éventuelle d’une réeducation et des conditions de remboursement.