04 avr 2024 00:01

L’endométriose, un calvaire à prendre au sérieux

Chez les personnes atteintes d’endométriose, du tissu semblable à la muqueuse qui tapisse l’utérus est également présent à d’autres endroits du corps. Il arrive que la maladie ne provoque aucun symptôme ; dans d’autres cas, elle a un impact considérable sur la qualité de vie. La prise en charge de l’endométriose reste actuellement très fragmentée dans notre pays, et les approches et l’expertise varient aussi fortement d’un hôpital à l’autre. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) préconise la création de cliniques de l’endométriose agréées et de centres d’expertise spécialisés, où seraient dispensés des soins multidisciplinaires adaptés à chaque patiente.

Qu’est-ce que l’endométriose ?

L’endométriose se caractérise par la présence, en dehors de l’utérus, de tissu semblable à la muqueuse utérine (l’endomètre). Ces « lésions » peuvent être localisées à différents endroits du corps, par exemple sur le péritoine, au niveau des ovaires ou plus en profondeur dans les organes proches de l’utérus. Dans ce dernier cas, on parle d’endométriose profonde. Plus rarement, des lésions peuvent même être présentes en dehors de la cavité abdominale (par exemple dans la cage thoracique ou sur le diaphragme), au niveau de la cicatrice d’une opération antérieure, du nombril ou de l’aine.

Les principaux symptômes sont des douleurs intenses durant les règles, des douleurs pelviennes et une fertilité réduite. Certaines femmes se plaignent également de douleurs lors des rapports sexuels, de la miction ou de la défécation, de fatigue et parfois de dépression et d’anxiété.

Il arrive que l’endométriose ne provoque aucun symptôme ou que les personnes qui en sont atteintes ne ressentent que des douleurs menstruelles « normales ». Dans d’autres cas, la maladie a un impact majeur sur le fonctionnement quotidien. L’intensité des symptômes est indépendante de l’étendue des lésions.

Quel traitement pour l’endométriose ?

L’endométriose est actuellement incurable, mais on peut s’efforcer de limiter les douleurs par des traitements antalgiques et/ou hormonaux. Il est également possible d’avoir recours à la chirurgie pour éliminer les lésions. Ces traitements ne sont toutefois pas efficaces chez toutes les patientes, et comportent en outre divers risques et effets secondaires.

Le KCE a étudié la prise en charge actuelle de l’endométriose dans les hôpitaux belges et la manière dont elle est vécue par les patientes. Il a également examiné l’organisation des soins pour l’endométriose dans d’autres pays.

Un nombre de cas inconnu, un nombre d’hospitalisations très variable

L’hormone œstrogène joue un rôle important dans l’endométriose, qui touche donc principalement des femmes en âge d’avoir des enfants. Nous ignorons toutefois combien de personnes sont concernées dans notre pays. Dans la littérature internationale, les estimations sont très variables, de 1 à 10 femmes sur 100.

Ce que nous savons, par contre, c’est que l’endométriose et l’adénomyose (une maladie apparentée) sont responsables chaque année en Belgique de 162 hospitalisations pour 100 000 femmes en moyenne (données 2016-2020). Le nombre moyen d’admissions varie toutefois fortement d’un hôpital à l’autre, de moins d’une à un peu plus de 300 par an.

Des soins et une expérience très variables d’un hôpital à l’autre

Les soins et l’organisation des soins aux personnes atteintes d’endométriose peuvent être très différents d’un hôpital belge à l’autre. Trente des 77 hôpitaux qui ont répondu à l’enquête du KCE ont pris l’initiative de créer eux-mêmes une clinique de l’endométriose. En l’absence de critères d’agrément, ce terme recouvre toutefois des réalités très diverses. Treize cliniques de l’endométriose n’accueillent par exemple que 20 nouvelles patientes par mois ou moins. Sept déclarent qu’elles n’organisent pas de concertations multidisciplinaires pour discuter de la prise en charge de leurs patientes. Par ailleurs, 47 hôpitaux sans clinique de l’endométriose rapportent qu’ils pratiquent également la chirurgie de l’endométriose. Certains opèrent même des cas d’endométriose profonde, alors qu’il peut s’agir d’une intervention très complexe.

Des témoignages pour identifier les besoins des patientes

Les témoignages des patientes révèlent qu’il faut souvent six à dix ans pour qu’un diagnostic correct soit posé. Lorsqu’elles sont enfin traitées, elles sont souvent déçues parce que les symptômes ne disparaissent pas (complètement) ou réapparaissent avec le temps. Certaines ont aussi eu de mauvaises expériences avec la prise en charge de l’endométriose en Belgique et estiment que les connaissances de nos médecins restent souvent insuffisantes. Elles souhaitent être écoutées avec empathie et respect par le médecin lorsqu’elles relatent leurs plaintes. Elles veulent aussi être informées de manière correcte et transparente de tous les traitements disponibles, avec leurs avantages et leurs inconvénients, afin de pouvoir poser des choix éclairés et nourrir des attentes réalistes. En outre, elles ont besoin d’une prise en charge multidisciplinaire et d’un plan de soins, ainsi que d’un soutien et d’un suivi après l’opération.

Des soins multidisciplinaires adaptés dans des cliniques de l’endométriose et des centres d’expertise agréés

Le KCE conclut qu’il subsiste un besoin de soins plus adéquats et multidisciplinaires pour les personnes atteintes d’endométriose dans notre pays. Ces soins doivent être adaptés au type, à la gravité et à l’impact des symptômes, au désir d’enfant actuel ou futur, à l’âge et au mode de vie.

Le KCE propose donc la création, dans chaque réseau hospitalier, de « cliniques de l’endométriose et des douleurs pelviennes chroniques ». Toute personne souffrant d’endométriose (présumée) devrait être orientée vers ces structures en vue d’un diagnostic et d’une concertation multidisciplinaire par des prestataires de soins spécialisés et expérimentés (gynécologue, infirmier spécialisé dans l’endométriose, psychologue, médecin spécialiste de la fertilité, radiologue, kinésithérapeute, etc.).

Il serait également souhaitable de mettre sur pied un nombre limité de « centres d’expertise de l’endométriose et des douleurs pelviennes chroniques », avec des spécialistes ayant suivi une formation approfondie et possédant une large expérience du traitement chirurgical de l’endométriose étendue.

La qualité des soins dispensés dans ces cliniques et ces centres d’expertise devrait être suivie par le biais d’un enregistrement et d’un rapportage transparent des résultats obtenus. Si un centre ne répond plus aux critères de reconnaissance ou aux exigences de qualité, son agrément devrait lui être retiré. Il est également important de veiller à ce que les centres qui ne sont pas agréés ne puissent pas se présenter comme des cliniques de l’endométriose ou des centres d’expertise.

Le KCE recommande que ce modèle de soins à deux niveaux soit évalué de manière approfondie trois à cinq ans après sa mise en œuvre, et ajusté si nécessaire. Il pourrait par exemple être nécessaire de modifier la répartition des tâches entre les cliniques de l’endométriose et les centres d’expertise afin de résoudre d’éventuels problèmes de délais d’attente.

Le programme de financement d’essais cliniques non commerciaux KCE trials lancera le 21 mai prochain un appel à projets d’études touchant spécifiquement à la prise en charge de l’endométriose. Plus d’informations sur la page des appels à propositions KCE Trials.