03 juin 2014 02:12

Les aidants proches doivent être mieux soutenus

Les membres de la famille, voisins ou amis qui contribuent à prendre en charge un proche âgé ou malade occupent une place très importante dans notre système de santé, où ils assument une fraction non négligeable des soins dispensés. Notre système socio-sanitaire devrait donc veiller à encadrer beaucoup mieux ces aidants proches. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a examiné – en collaboration avec l’UA, l’UCL et Yellow Window – les aides que les pouvoirs publics apportent actuellement à ces personnes. Il ressort de cette analyse que, si les compensations financières sont peu nombreuses, la possibilité de bénéficier de congés sociaux pour apporter des soins à un proche est perçue comme un point très positif. Les services de répit devraient par contre être accessibles à moindre coût, mieux adaptés aux besoins et proposés de façon proactive, tout comme le soutien psychosocial. Idéalement, il faudrait harmoniser les aides et services existants et centraliser toute l’information à ce sujet au sein d’un canal unique. Avant de revoir les mesures de soutien, il conviendrait néanmoins de mener un vaste débat sociétal sur la place des aidants proches dans le système de soins et dans la collectivité en général et de bien réfléchir aux types d’aide (financière ou autre) qui conviendraient le mieux à leur situation spécifique sans aggraver les inégalités.

Le vieillissement rapide de la population occidentale accroît fortement les besoins en soins de longue durée, qui devraient idéalement être dispensés à domicile aussi longtemps que possible. À l’heure actuelle déjà, l’aide apportée par la famille (conjoint et enfants surtout), les amis ou les voisins – autrement dit, par les « aidants proches » – revêt une importance de premier plan dans cet accompagnement. Ce rôle d’aidant peut s’avérer extrêmement enrichissant mais souvent aussi extrêmement lourd, au travers de son impact sur la santé et de la perte de revenus professionnels ou de cotisations de retraite qui peut en découler. Le KCE a analysé les mesures de soutien que les autorités proposent actuellement aux aidants proches en Belgique et dans les pays voisins (France, Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas).

Peu d’informations sur le nombre et le profil des aidants proches bénéficiant des mesures de soutien

Les mesures mises en place diffèrent d’un pays à l’autre et le profil socio-économique des aidants proches qui en bénéficient reste très mal connu, tout comme leur nombre. À l’heure actuelle, il est donc impossible d’évaluer l’impact des mesures de soutien de façon claire et exhaustive, même si un certain nombre de conclusions peuvent néanmoins être dégagées.

L’allocation, plutôt une reconnaissance qu’un stimulant

En Belgique, en dehors des avantages en nature, le soutien financier aux personnes nécessitant des soins repose sur une allocation mensuelle (Allocation pour l’aide aux personnes âgées/Tegemoetkoming voor hulp aan bejaarden, à laquelle s’ajoute, en Flandre, l’assurance dépendance (Vlaamse zorgverzekering)). Cette somme est toutefois rarement utilisée pour rétribuer l’aidant proche, même si elle contribue souvent à couvrir les frais quotidiens du ménage.
Certaines communes et provinces flamandes octroient également une prime spécifique aux aidants proches. Ces aides limitées ne sont pas de nature à pousser les aidants proches à endosser ce rôle, mais elles ne semblent pas non plus les inciter à faire davantage appel à une aide professionnelle. Les aidants proches les perçoivent comme une forme de reconnaissance de leur travail, ce qui est aussi l’objectif de la mesure.

Un bon point pour les congés sociaux, mais les services de répit devraient être moins chers et mieux adaptés aux besoins

La Belgique se distingue de ses voisins par un aspect positif apprécié des aidants proches interrogés : la possibilité, pour les personnes qui travaillent, de bénéficier de congés payés pour s’occuper d’un parent malade. On note toutefois que certains travailleurs prennent également des congés-maladie pour dispenser des soins.


Les aidants proches ont régulièrement besoin de souffler et de se décharger temporairement de la responsabilité des soins (« mesures de répit »), par exemple en faisant appel à des structures d’accueil de jour. Des entretiens avec les personnes concernées ont néanmoins révélé qu’il existe actuellement un besoin de services moins coûteux et mieux adaptés aux besoins concrets. Il faudrait également proposer les mesures de répit et de soutien psychosocial de façon proactive, car il est fréquent que les aidants proches ne demandent pas spontanément une aide.

L’information trop morcelée

Les services et soutiens existants pour les patients et leurs aidants proches et l’information à ce sujet sont actuellement répartis entre une multiplicité d’acteurs (dispensateurs de soins, institutions publiques, mutualités, etc.). De ce fait, l’offre est peu harmonisée et les bénéficiaires connaissent trop peu les services existants, ou n’en sont informés qu’à l’occasion d’une hospitalisation – une situation qui défavorise tout particulièrement les groupes socio-économiquement faibles. C’est la raison pour laquelle le KCE plaide en faveur d’un canal d’information efficient, bien structuré et accessible disposant d’un site internet centralisé. Tous les acteurs concernés devraient être impliqués dans sa création.

D’abord et avant tout, un grand débat sociétal

Le rapport du KCE sur les soins chroniques (rapport n°191) prévoit qu’un plan de soins soit mis au point pour chaque personne nécessitant une prise en charge prolongée. Le Centre d’Expertise recommande aujourd’hui que ce plan comporte aussi un volet distinct consacré aux aidants proches, en vue de définir leurs besoins et ainsi de mieux y répondre.


Adapter de façon irréfléchie les horaires de travail, le soutien financier, les droits sociaux, les mesures de répit, etc. risque d’avoir des effets imprévus et potentiellement considérables. Revoir le montant de l’allocation à la hausse pourrait par exemple pousser les personnes socio-économiquement moins favorisées à quitter le marché du travail pour dispenser des soins, ce qui augmenterait leur vulnérabilité. Les prestations de l’aidant proche ne lui ouvrent en effet aucun accès aux droits sociaux : les périodes de soins ne sont pas prises en compte dans le calcul des indemnités de chômage ou de la pension de retraite.


Avant de revoir ou d’élargir les mesures de soutien, il conviendra donc de mener un large débat sociétal sur la place des aidants proches dans notre système de soins à long terme et d’analyser soigneusement leur impact et l’aide à leur apporter. Il faudra également réfléchir à la nature et aux modalités des mesures de soutien à associer au statut légal d’aidant proche qui sera introduit dans un avenir proche.