25 Sep 2015 02:10

Reconstruction du sein après cancer : quels honoraires seraient raisonnables ?

Entre 14 et 20% des femmes qui ont été opérées pour un cancer du sein font le choix d’une chirurgie reconstructrice, qui est en théorie couverte par l’assurance-maladie. Ces dernières années, bon nombre de femmes se sont plaintes d’avoir dû payer de leur propre poche des « suppléments esthétiques » parfois importants, notamment pour les reconstructions autologues (qui visent à reconstruire le sein à l’aide de peau, de muscle et/ou de graisse prélevés sur la patiente elle-même). Les chirurgiens plasticiens justifient les suppléments demandés par le fait que l’honoraire prévu par l’INAMI pour ce type d’interventions est jugé trop bas par rapport à leur complexité.
Il a été demandé au Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) de fournir des données chiffrées, basées entre autres sur une mesure objective des temps d’opération, comme base de discussion à une (éventuelle) révision des tarifs de l’INAMI.
Le principal obstacle, pour une telle étude, est qu’il n’existe pas de tarif horaire de base qui soit généralement accepté pour la profession médicale. Selon le KCE, la véritable solution serait de réévaluer l’ensemble des honoraires médicaux, comme proposé dans son cadre conceptuel pour une réforme du financement des hôpitaux (Rapport 229). Les chiffres qu’il présente dans ce rapport ne peuvent donc être qu’une solution temporaire pour sortir de l’impasse.

Un choix très personnel

En Belgique, plus de 10 000 femmes sont touchées chaque année par un cancer du sein. Pour la majorité d’entre elles, le traitement passera par une intervention chirurgicale pour enlever la tumeur, voire l’entièreté du sein. Cette intervention peut être ressentie comme une atteinte profonde à l’image corporelle ; pour cette raison la chirurgie reconstructrice est considérée, dans notre pays, comme faisant partie du traitement du cancer et est remboursée par l’assurance-maladie (INAMI).

Dans notre pays, environ la moitié des reconstructions se font par des techniques dites ‘autologues’, l’autre moitié consistant à placer une prothèse (implant mammaire). Les reconstructions autologues sont des techniques qui visent à reconstruire le sein à l’aide de peau, de muscle et/ou de graisse prélevés sur la patiente elle-même. On les appelle aussi « reconstructions par lambeau » ; il en existe différents types (DIEP, LDF, TRAM,...).

Toutes les femmes qui ont subi une opération du sein ne sont pas désireuses de passer par une reconstruction : en Belgique, cela concerne entre 14 et 20% d’entre elles. Il s’agit d’un choix éminemment personnel où interviennent des motivations très diverses, mais qui ne devrait pas être restreint par des considérations financières.

Des « suppléments esthétiques »

Ces dernières années, bon nombre de femmes ayant opté pour une reconstruction autologue se sont plaintes d’avoir dû payer de leur propre poche des « suppléments esthétiques » parfois importants. Selon une enquête de la Vlaamse Liga tegen Kanker, ces suppléments s’élèvent en moyenne à 2620 €. 

Les chirurgiens plasticiens estiment que les suppléments esthétiques qu’ils demandent pour les reconstructions autologues sont justifiés parce que l’honoraire prévu par l’INAMI (par ex. 1527 € pour un DIEP) est trop bas par rapport à la lourdeur et à la complexité de ce type d’interventions, qui durent parfois très longtemps et qui exigent du praticien beaucoup d’adresse et d’expérience ainsi que, pour certaines d’entre elles, une expertise spécifique en microchirurgie.

Après l’échec de plusieurs négociations entre les chirurgiens plasticiens et l’INAMI, il a été demandé au KCE de fournir des données chiffrées pouvant servir de base de discussion à une (éventuelle) révision des tarifs de l’INAMI. Cela a également été une opportunité pour faire le point sur la sécurité de ces interventions et sur la satisfaction des patientes.

Pas de données fiables sur le degré de satisfaction des femmes 

Pour ce dernier point, l’analyse de la littérature scientifique ne permet pas de démontrer que les femmes qui ont eu une reconstruction autologue sont à terme plus ou moins satisfaites que celles qui n’ont pas eu de reconstruction du tout, ou que celles qui ont eu une reconstruction par prothèse. Quant aux complications, elles ne semblent pas plus élevées que pour toute autre intervention chirurgicale.

Les données de 10 équipes pendant 3 mois

Pour arriver à une estimation chiffrée des honoraires qui seraient justifiables, le KCE s’est basé sur une méthode éprouvée qui consiste – pour faire court –  à mesurer très précisément les durées des différentes étapes d’une intervention puis à la multiplier par un tarif horaire pour chacun des intervenants. Dix équipes chirurgicales belges ont accepté de mesurer, durant 3 mois, les durées des différentes phases opératoires des reconstructions autologues qu’ils réalisaient, ainsi que celles des interventions secondaires (symétrisation des seins, reconstruction du mamelon) et des éventuelles ré-interventions pour complications.

Ces durées opératoires sont ensuite à multiplier par le tarif horaire de chaque intervenant. Cette approche, simple et logique en apparence, a été rendue très complexe par l’absence d’un tarif horaire de base généralement accepté pour la profession médicale.

Pour cette raison, plusieurs valeurs d’honoraires ont été calculées, basées sur différents tarifs horaires hypothétiques. Les chiffres obtenus montrent d’importantes variations en fonction des scénarios suivis. Pour les reconstructions par lambeau libre de type DIEP, la reconstruction autologue la plus fréquemment pratiquée dans notre pays, les valeurs moyennes vont de minimum 1125 € (ce qui est inférieur au tarif INAMI actuel de 1527 €) à maximum 2584 €. Ce montant peut encore être augmenté si l’on prend en compte des interventions secondaires éventuelles, comme par exemple un lipofilling, une liposuccion, une reconstruction du mamelon, un tatouage de l’aréole, ou encore une correction de cicatrice.

Une solution qui ne peut être que temporaire

Le KCE tient cependant à souligner que calculer de cette manière le coût d’une seule intervention est une approche très lourde et dont la validité est limitée. Il n’a accepté la mission que parce que l’impasse des négociations plaçait l’INAMI dans une situation délicate, d’où leur demande d’une solution relativement urgente. Les chiffres proposés ne peuvent donc être utilisés que comme solution temporaire, car la véritable réponse à cette question relève d’une réévaluation globale des honoraires médicaux, telle qu’elle a été proposée par le KCE dans son cadre conceptuel pour une réforme du financement des hôpitaux (Rapport KCE 229).