L’Institut fédéral des droits humains s’inquiète de la fragilisation de l’État de droit en Belgique
L'Institut fédéral des droits humains (IFDH) publie aujourd’hui son rapport annuel. Chargé de veiller au respect des droits humains en Belgique, l’IFDH constate une tendance négative. Martien Schotsmans, sa directrice : « Nous sommes face à un risque d’érosion de l’État de droit. Certains droits fondamentaux et principes démocratiques de base semblent parfois être remis en question. »
Atteintes disproportionnées à la liberté de manifester, procédures judiciaires excessivement longues, surpopulation dans les prisons, pas de places d’accueil pour certains demandeurs d’asile, … Ces exemples illustrent que le respect des droits fondamentaux et de l'État de droit ne va pas toujours de soi en Belgique. Un constat d’autant plus vrai pour certaines catégories de personnes qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité.
Un manque criant de moyens pour la justice
Depuis plusieurs années, la Commission européenne, des institutions publiques, organisations de la société civile, avocats et magistrats s’inquiètent du manque criant de moyens pour la justice. L’Institut fédéral des droits humains (IFDH) pointe également les problèmes de recrutement de nouveaux magistrats et greffiers ainsi que l’important arriéré judiciaire, qui posent problème pour pouvoir garantir aux personnes le droit à un procès équitable.
Des milliers de décisions judiciaires non mises en oeuvre
L’IFDH tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur une tendance qu’il estime inquiétante : des autorités ne donnent pas de suite aux décisions des cours et tribunaux belges et européens. L’exemple le plus connu concerne la crise de l’accueil dans laquelle l’État belge n’a pas mis en oeuvre des milliers de décisions judiciaires. Mais cette tendance concerne bon nombre d’autres domaines : la surpopulation carcérale, les licences d’exportation d’armes, les nuisances sonores de l’aéroport de Bruxelles-National, …
Martien Schotsmans, directrice de l’IFDH : « Que vaut une décision de justice si elle n’est pas mise en œuvre ? Les autorités publiques ont un rôle d’exemple. Si elles n'appliquent pas leurs propres lois et semblent remettre en question le rôle du pouvoir judiciaire en refusant de mettre en oeuvre des décisions de justice, elles peuvent faire naître auprès des personnes un sentiment d'impunité et d'injustice et générer une perte de confiance dans notre système démocratique.”
D’importantes faiblesses dans le droit à l’information
Pour l’IFDH, la transparence administrative devrait être la règle et non l’exception. Toute personne devrait avoir facilement accès aux informations administratives. Or, malgré les récentes modifications, la législation reste complexe, les administrations disposent de nombreuses exceptions qu’elles peuvent invoquer pour refuser de transmettre un document, les procédures sont longues et la commission fédérale d’accès aux documents administratifs ne dispose pas de pouvoirs contraignants.
Avis et rapports d’enquête
L’Institut fédéral des droits humains est chargé de veiller au respect des droits humains. En 2023, il a adressé 14 avis au gouvernement fédéral ou au Parlement fédéral. Dans ses avis, il a régulièrement rappelé certains principes fondamentaux pour respecter les droits humains et notamment la liberté de manifester, la liberté d’expression et le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.
L’IFDH a également publié 4 rapports, comme le rapport d’enquête sur les règlements des communes qui interdisent la mendicité. Il publiera prochainement son rapport d’enquête concernant les pressions et menaces subies par les organisations de défense des droits humains en Belgique.
Aide aux lanceurs d’alerte
Depuis fin 2022, l’IFDH informe et aide les lanceurs d’alerte du secteur privé et des services publics fédéraux qui signalent des abus et fraudes dans le cadre de leur travail. En 2023, il a fourni des mesures de soutien à 17 lanceurs d’alerte. Il s’agit, par exemple, de conseils juridiques, d'un soutien psychologique ou d’un accompagnement de carrière.
Prévention de la torture
Le 28 mars 2024, le Parlement fédéral a décidé de créer le mécanisme de prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (MNP) au sein de l'IFDH. L’IFDH, avec le Conseil central de surveillance pénitentiaire, le centre fédéral Migration Myria et le Comité P, seront chargés de surveiller la manière dont les personnes privées de liberté sont traitées. Ils effectueront régulièrement des visites préventives, notamment dans les prisons, les centres fermés et les commissariats de police.