16 juin 2025 08:56

L’Institut fédéral des droits humains tire la sonnette d’alarme dans son rapport annuel : le droit de manifester est sous pression

Ce 16 juin, l’Institut fédéral des droits humains (IFDH) publie son rapport annuel. Il alerte sur la réduction progressive de l’espace dont disposent les personnes en Belgique pour s’exprimer librement, manifester et participer pleinement à la vie démocratique. L’IFDH, chargé de protéger et de promouvoir les droits humains, constate que le droit de manifester est mis sous pression en Belgique. 

Martien Schotsmans, directrice de l’IFDH : « Nous observons une tendance préoccupante : une accumulation de mesures, qui peuvent sembler justifiables prises isolément mais qui aboutissent à des restrictions excessives du droit de manifester. Cette tendance réduit peu à peu l’espace dans lequel les personnes peuvent s’exprimer et s’organiser librement, alors que c’est essentiel dans une société démocratique. »

Manifester est un droit humain

Le droit de se réunir pacifiquement et de manifester dans l’espace public est un pilier de toute démocratie. Il permet aux personnes de faire entendre leur voix, d’exprimer leur mécontentement et d’attirer l’attention sur des problèmes et enjeux de société. L’histoire montre que des manifestations pacifiques ont été à l’origine de progrès sociaux importants.

Dans son rapport, l’IFDH identifie plusieurs tendances préoccupantes, allant de propositions législatives à des pratiques observées au niveau local :

  • des procédures d’autorisation trop strictes et des interdictions préventives individuelles de manifester.
  • des mesures de surveillance excessives et des arrestations arbitraires.
  • des amendes administratives communales (SAC) qui peuvent dissuader la participation à des manifestations.
  • un risque de poursuites pénales, sans prise en compte suffisante de la liberté de manifester.  

Érosion du débat public

L’effet dissuasif de ces mesures peut pousser des personnes à renoncer à exercer leur droit de manifester. Certaines pourraient s’abstenir de participer à un rassemblement spontané, de filmer une intervention de la police, ou préféreraient quitter prématurément une manifestation par crainte de contrôles ou d’arrestations excessifs. Lorsque la crainte d’un contrôle ou de sanctions décourage  les personnes de participer à des manifestations ou d’en organiser, cela réduit l’espace pour le débat démocratique et affaiblit la liberté d’expression.

Le droit de manifester peut faire l’objet de restrictions, mais elles doivent être prévues par la loi, poursuivre un objectif légitime - comme la sécurité ou l’ordre public - et rester proportionnées. Les autorités ont la responsabilité de garantir le déroulement pacifique des manifestations et de privilégier la mesure la moins intrusive. Le principe de base devrait rester le même: permettre aux personnes de s’exprimer librement, non les en dissuader.  

Rôle de l’IFDH

Le rôle de l’IFDH est de protéger et de promouvoir les droits humains, y compris le droit de manifester. Dans ce cadre, il enquête notamment sur les situations dans lesquelles ce droit est mis sous pression ou menacé ; il informe les instances internationales des évolutions constatées ; il attire l’attention des autorités sur l’effet dissuasif potentiel de certaines réglementations ou de leur application ; il adresse des recommandations à l’attention des communes, du Parlement fédéral et du gouvernement fédéral afin que toute restriction repose sur des critères clairs et précis. Ce travail vise à garantir aux personnes une protection contre tout risque de violation arbitraire de leurs droits fondamentaux.  

Avis et rapports

L’IFDH a pour mission de veiller au respect des droits humains. En 2024, il a rendu 3 avis au Parlement fédéral. Dans ses avis, l’IFDH rappelle régulièrement certains principes fondamentaux liés aux droits humains, en particulier la liberté de manifester, la liberté d’expression et le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. L’IFDH a également publié 12 rapports, dont un qui dresse un état des lieux de l’État de droit en Belgique.

L’IFDH a aussi publié un rapport d’enquête sur l’espace laissé aux organisations de défense des droits humains en Belgique. L’enquête a révélé que plus de la moitié des organisations interrogées ont déjà été victimes d’intimidation ou de menace.

Par ailleurs, l’Institut fédéral des droits humains observe depuis plusieurs années que les autorités belges ne donnent pas toujours une suite aux décisions judiciaires qui les condamnent. En 2024, il a dès lors lancé une enquête sur la non-exécution des décisions de justice, une tendance qu’il estime préoccupante. Parmi les cas emblématiques : la crise de l’accueil, la surpopulation carcérale ou encore les nuisances sonores liées à l’aéroport de Bruxelles-National.

Soutien aux lanceurs d’alerte

Depuis fin 2022, l’IFDH informe et soutient les lanceurs d’alerte issus du secteur privé et des services publics fédéraux qui signalent des abus ou fraudes dans le cadre de leur travail. En 2024, il a soutenu 28 lanceurs d’alerte, notamment en leur apportant une aide juridique, un soutien psychologique ou un accompagnement dans le cadre de leur orientation professionnelle.

Prévention de la torture

Le 21 avril 2024, le Parlement fédéral a confié à l’IFDH une nouvelle mission : le mécanisme national de prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (MNP). Aux côtés du Conseil central de surveillance pénitentiaire, de Myria et du Comité P, l’IFDH est désormais chargé de veiller au traitement des personnes qui sont personnes privées de liberté. Cette première année a été consacrée à la mise en place du mécanisme : l’organisation interne, la collaboration avec les partenaires et l’élaboration d’une méthodologie commune pour les visites préventives.