La protection des lanceurs d’alerte s'améliore fortement, mais les règles sont trop complexes
L’Institut fédéral des droits humains (IFDH) publie aujourd’hui son premier rapport bisannuel sur la protection des lanceurs d’alerte du secteur privé et du secteur public fédéral. L’IFDH salue les progrès récents réalisés et il appelle à davantage de clarté, d’harmonisation et de sensibilisation pour que lancer l’alerte devienne un véritable droit, compris et accessible à toutes et tous.
Le rapport de l’Institut fédéral des droits humains (IFDH) dresse un bilan des deux premières années (2023-2024) de la législation fédérale sur la protection des lanceurs d’alerte, une mission explicitement inscrite dans la loi. Un lanceur d’alerte est une personne qui signale, dans le cadre du travail, des faits comme un abus, une fraude, une violation de la législation ou un conflit d’intérêt, et qui bénéficie d’une protection pour cette démarche.
Depuis début 2023, l’IFDH informe les lanceurs d’alerte de leurs droits et leur offre un soutien, notamment par un accompagnement juridique, psychologique ou de carrière. Le rôle des lanceurs d’alerte est essentiel pour la société car ils contribuent à prévenir d’autres abus renforcent la transparence et la responsabilité des services publics et entreprises.
Un cadre juridique avancé, mais encore jeune
Le cadre juridique actuel qui protège les lanceurs d’alerte du secteur privé et du secteur public fédéral est récent, mais il fait partie des plus avancés en Europe. La législation en vigueur depuis 2023 va au-delà des exigences de la directive européenne de 2019 sur les lanceurs d’alerte : elle prévoit des mesures de soutien - assurées par l’IFDH et reconnues comme un exemple de bonne pratique au niveau européen - elle retient une définition large du concept d’intégrité, inclut la fraude fiscale et la fraude sociale parmi les domaines couverts et confie au Médiateur fédéral un rôle spécifique dans la coordination et le traitement des signalements, mais aussi dans les enquêtes et la protection contre les représailles.
Martien Schotsmans, directrice de l’IFDH : « Le cadre juridique qui protège les lanceurs d’alerte est très avancé et ambitieux au niveau fédéral, ce qui est positif. Les mesures de soutien, par exemple, permettent à des lanceurs d’alerte de se sentir réellement accompagnés dans leur démarche. Mais ce cadre est aussi technique et complexe. Or, il est essentiel que chacun comprenne ses droits et puisse décider, en toute connaissance de cause, de signaler une situation ou non, sans risquer d’être pénalisé par le manque de clarté des règles. »
Un système complexe et inégal
Les premières données recueillies par l’IFDH montrent une augmentation significative du nombre de signalements pour 2023-2024. Il s’agit de l’effet concret de la désignation des autorités externes qui reçoivent et traitent les signalements et du travail qu’elles mènent.
L’IFDH constate néanmoins que le système mis en place reste difficile à appréhender, tant pour les lanceurs d’alerte que pour les autorités elles-mêmes. La coexistence de deux lois distinctes – l’une pour le secteur privé et l’autre pour le secteur public fédéral – entraine des différences de traitement entre lanceurs d’alerte : conditions de recevabilité du signalement, délai d’examen et procédures varient d’un cadre à l’autre. S’y ajoutent encore des réglementations à d’autres niveaux de pouvoir (régions et communautés, pouvoirs locaux...) et des régimes spécifiques dans certains secteurs.
« Les lanceurs d’alerte, les employeurs et les différents acteurs se heurtent à des règles complexes et parfois difficiles à comprendre. Cette complexité nuit à la lisibilité du cadre de protection et peut décourager certaines personnes de signaler un abus, une fraude ou une violation de la loi. Une meilleure harmonisation de la législation et davantage de sensibilisation sont indispensables » souligne Martien Schotsmans.
Clarté, harmonisation et sensibilisation
Dans son rapport bisannuel d’évaluation, l’IFDH recommande de mieux harmoniser les législations afin de garantir une protection équitable pour tous les lanceurs d’alerte, indépendamment du secteur et du domaine dans lequel ils travaillent. Il recommande également de simplifier certaines procédures et de renforcer l’information au public sur l’existence de ce droit et sur le rôle des différents acteurs.
Martien Schotsmans : « Alerter est un droit fondamental, qui reste encore trop peu connu et trop peu mis en avant par les pouvoirs publics. Pourtant, les lanceurs d’alerte jouent un rôle essentiel dans la défense de l’intérêt général. Ils s’exposent souvent à des pressions et représailles. Ils méritent donc un cadre plus clair et harmonieux, qui leur permette d’alerter en toute confiance et de contribuer à une société plus transparente et responsable. »
Le rapport contient une cinquantaine de recommandations et a été remis au Parlement fédéral et au gouvernement fédéral.